Le bourrelier Couëdro
Borne 9
Né en 1930 au bout de Treffendel, Albert Couëdro passe avec succès son certificat d’étude à 13 ans et demi et se trouve le lendemain même apprenti bourrelier chez son père. Nous sommes en juin 1944, et l’atelier occupe une partie de la maison actuellement au 3 rue Haute Bretagne.
Il y a bien une école d’apprentissage à Rennes, à la chambre des métiers, mais Albert préfère apprendre « sur le tas ».
Quand la météo est clémente, c’est-à-dire d’avril à octobre, on travaille chez le client. On emporte les nombreux outils bien serrés dans une sacoche qu’on porte en bandoulière, on arrime les matériaux nécessaires sur le porte-bagage. Et hop ! On enfourche le vélo qui va nous conduire de ferme en ferme….
A Treffendel, Monterfil, Saint-Thurial, Saint- Péran…. Le nombre de chevaux de traits variant selon la taille de l’exploitation, on s’y installe pour une durée de 2 jours à une semaine, à raison de 9h par jour, et de 6 jours sur 7.
Vacances, connaît pas... les repas sont pris à la ferme. Le travail est pratiquement toujours le même, il consiste à fabriquer, mais surtout à réparer les harnais, guide, licol, sel, sous-ventrières, etc.
On fabrique ou on remet en état également sommiers et matelas. Quand on travaille un collier de cheval, il faut être particulièrement méticuleux : si la bourre de crin est mal répartie, cela peut causer des plaies ou des bosses à l’animal. Il faut alors recommencer.
Quand viennent les frimas, de novembre à mars, le bourrelier-sellier prend ses quartiers d’hiver dans son atelier qui sent bon le cuir.
C’est le même travail qu’à la belle saison, mais ce sont les clients qui se présentent chez l’artisan pour commander les travaux à effectuer.
Il existe peu de machines en bourrellerie, presque tout se fait à la main et à l’huile de coude. C’est vraiment de l’artisanat.
A titre indicatif, pour fabriquer un collier de cheval, il faut compter une semaine complète, sachant que les attelles (en hêtre fumé) son fournies à l’état brut. Il incombe au bourrelier d’en dessiner les contours, puis de les faire tailler chez le menuisier. Il devra assurer la finition et passer chez le forgeron pour fixer les ferrures.
L’apparition, puis la généralisation des tracteurs entraîne le déclin définitif de ce métier, pourtant s’y attachant.
Albert Couëdro doit cesser et s’en aller travailler à Rennes, en 1963, chez un grossiste en sellerie.
Sa musette contient un nombre impressionnant d’outils : alênes de différentes formes et tailles, couteaux, ciseaux, emporte-pièce, aiguilles… quand il travaille, il chausse ses lunettes, il enfile son grand tablier, prépare le fil et se met au travail !
Avec une étonnante dextérité, il déroule, tresse le fil de chanvre qui l’enduit de poids pour l’empêcher de pourrir et le rendre plus résistant.
En quelques minutes, il vous recoud un licol qu’il a coincé dans une pince géante, serrée entre ces deux genoux. Il utilise deux aiguilles, une dans chaque main. C’est afin de faire une couture dessus et dessous... ça, la machine à coudre ne peut pas le faire !
Pour découper un morceau de cuir. Il utilise un couteau mécanique réglable selon l’épaisseur et la largeur désirées.
Ce cuir épais, de couleur orangée, provient d’une peau de vache. « on l’a acheté par dosset, un dosset correspond à la moitié de la peau d’une bête. Le dessus (côté poils) s’appelle la fleur point, le dessous (côté chair), la croûte. C’est presque inusable.
Bien entretenus, les harnais faisaient plusieurs générations. Des harnais neufs, j’en ai surtout fabriqués pour des clients de la région de Guer, au moment où ils ont commencé à atteler des chevaux en remplacement des bœufs. »
M. Couëdro termine en fabricant une épissure sur une corde de bon diamètre. En gestes habiles et précis, il utilise poinçons et ciseaux, fait ressortir les quatre torons et l’âme (cordage axial) de ce gros câble. Et voici qu’apparaît un anneau de belle taille, apte à résister aux plus rudes épreuves.
C’est du travail fignolé, un vrai travail de pro ! Bravo l’artisan !
Extrait du livret Treffendel au passé simple – Mars 1996